Un heureux hasard a voulu que la pluie tombe très tôt en ce matin du dimanche 4 octobre 2015: au début de notre marche vers Foy-Notre-Dame, les routes étaient encore humides, mais le reste de la journée s’est passé sous le soleil de cet été indien.
C’est avec Monseigneur Léonard, archevêque de Bruxelles-Malines, que nous marchons aujourd’hui. Les rumeurs concernant sa succession se faisant de plus en plus précises laissent supposer qu’on assiste à l’une de ses dernières sorties publiques.
Après le Veni Creator entonné par l’assemblée, l’archevêque rappelle qu’en cette journée, on anticipe la fête du Rosaire, célébrée le 7 octobre. Jésus et Marie accordaient une grande importance à la prière du rosaire. “N’oublions pas que la victoire de Lépante a été obtenue grâce à la prière du rosaire, et que, à Fatima notamment, la Vierge Marie a accordé un grande puissance à la prière du rosaire pour guérir l’humanité de ses maux, convertir le coeur humain, nous épargner la guerre, la violence et l’oubli de Dieu. Nous allons prier le rosaire aujourd’hui, et sans doute aussi, on l’espère, le prier les autres jours de notre vie. Le rosaire est accessible à tous, il peut être prié par les riches et par les pauvres, par les vieux et par les jeunes, par les intellectuels et par les manuels, par les malades et les bien portants et il peut être prié à peu près partout. On peut prier le rosaire dans une église; on peut le prier dans son lit, dans le bus, dans la voiture, dans le train, en marchant dans la rue, tout est possible et ça ne coûte rien sinon un petit peu de temps et de coeur, et ça nous fait le plus grand bien.
Nous portons certainement beaucoup d’intentions de prières au cours de ce pèlerinage, car les difficultés des épreuves ne manquent pas: nous sentons monter la violence dans beaucoup de parties du monde. Une violence parfois particulièrement barbare. Nous connaissons le sort de beaucoup de nos frères et soeurs chrétiens, persécutés en raison même de leur foi. Parfois sauvagement assassinés. Ou de manière plus discrète dans nos pays d’Occident: persécutés politiquement ou médiatiquement ou culturellement en raison de leur foi.
Nous portons aussi dans la prière le synode qui va s’ouvrir ce soir à Rome. Qui va durer trois semaines et qui va concerner un des enjeux majeurs de la vie de l’Eglise et de la société, à savoir la famille. Et nous espérons que l’Esprit-Saint soufflera pour que ce synode conforte le peuple chrétien dans la foi de l’Eglise et la beauté du mariage, de la grandeur du mariage. Dans l’indissolubilité du mariage, de la fécondité du mariage. Tant d’enjeux si importants et que nous devons porter dans notre prière.
Et puis il y a aussi tout le problème que nous connaissons en Europe, d’un flux migratoire important. C’est d’abord un problème pour les personnes qui doivent quitter leur pays et se dépayser totalement. Un problème aussi pour les pays qui doivent les accueillir.
Donc, les intentions de prière ne manquent pas pour ce pèlerinage. Un pèlerinage, c’est un petit résumé de la vie terrestre. Un pèlerinage a un départ et il a une fin. Nous allons aboutir, si tout va bien, tout à l’heure, au sanctuaire de Foy-Notre-Dame. Nous partirons d’un lieu de beauté pour arriver à un lieu de beauté également, et à travers de très beaux paysages. Mais il y aura aussi probablement un peu de fatigue, surtout pour les plus jeunes, les anciens étant déjà rôdés à ce genre d’exercice. A l’image de la vie. Et, de même que notre vie terrestre, à son début, chemine à travers les années, les décennies de notre existence pour enfin aboutir dans l’océan de grandeur, de la beauté et de la joie de Dieu, de même, mais en plus petit, en résumé, notre pèlerinage est une route exigeante mais au terme de laquelle nous serons accueillis par le Seigneur et par Notre-Dame de Foy. Car Marie est Mère de notre foi, comme elle est Mère de notre espérance et Mère du bel amour divin. Je vous souhaite une route joyeuse, fructueuse, et remplie d’espérance. Amen.”
Le groupe périgrine à travers la vallée de la Haute Leffe, au rythme du rosaire et des enseignements.
La halte de midi permet à tout le monde de se restaurer, et le menu traditionnel ne manque pas de régaler les estomacs: potage tomates aux boulettes, pain et vin… Tous sont heureux de se retrouver et d’échanger l’une ou l’autre amabilité. Un modeste présent est offert à Monseigneur: la photo encadrée des paroissiens bruxellois pour le rite traditionnel aux Minimes. Peu avant quatorze heures, il est temps de reprendre le chemin. Deux heures plus tard, ils arrivent à l’église pour la Messe de clôture.
Avant l’homélie de Mgr Léonard, l’abbé Hygonnet de la fssp prend la parole: il remercie chaleureusement le chanoine Jallet, recteur du sanctuaire, ainsi que ses confrères prêtres présents et plus particulièrement ceux venus de Riaumont, dans le Pas-de-Calais. Il rappelle aussi que la marche a commencé la veille pour quelques dizaines de vaillants jeunes gens qui sont partis de Namur ce samedi en fin de matinée.
Il adresse également un mot particulier à Mgr Léonard, qui célèbre cette messe pontificale de clôture.
“Depuis l’an 2000, vous êtes devenu un pèlerin de Leffe à Foy. Comme évêque de Namur, à l’époque, vous avez été le premier à apporter à ce pèlerinage un soutien efficace et précieux, à accorder votre confiance, sans faille. Devenu archevêque de Malines-Bruxelles en 2010, vous auriez pu être impressionné par l’ampleur de la tâche. Les croix ont été lourdes et nombreuses, en effet. Mais finalement, vous n’avez pas été si impressionné que cela et vous avez gardé un peu de temps pour le pèlerinage! Vous savez également que vous comptez beaucoup de soutiens ardents parmi les organisateurs et les participants à ce pèlerinage. Je voudrais vous dire également, Monseigneur, que, même si vous ne portez pas la couleur rouge, qui aurait pu apparaître ce soir, “in nostro pectore”, vous la portez quand-même. Merci, Monseigneur!”
Ce à quoi notre archevêque répond, avec son sens de l’humour et de la répartie coutumiers: “Monsieur l’abbé Hygonnet aurait bien voulu me faire rougir, mais il n’y parviendra pas!”.
“Mes frères et mes soeurs, quel grand honneur nous avons de ne pas être seulement les adhérents d’une doctrine, aussi belle soit-elle. Ou pire, les adhérents d’une idéologie, mais nous avons le bonheur d’avoir toute notre vie, comme chrétien, tournés vers une adorable personne. C’est très difficile d’aimer une doctrine, on la respecte, d’aimer une idéologie, on s’en inspire, tandis qu’une personne, on peut l’aimer. Nous avons le bonheur en la personne de Jésus, d’aimer quelqu’un qui a partagé notre humanité et qui la partage à jamais, mais qui est une personne divine, que nous pouvons donc adorer. Et Jésus est la seule personne dotée d’un visage humain, revêtue de notre humanité, devant lequel nous pouvons nous mettre à genoux, en lui disant, comme Thomas, après son moment de doute: “Mon Seigneur, et mon Dieu!”. Jésus est l’homme le plus aimé de toute l’histoire humaine. Il est le seul à qui, chaque jour, des millions d’hommes et de femmes envoient des “je t’aime”, qui ont sans doute dans leur coeur des souvenirs plein leur vie et qui, au moment de mourir, seront très heureux, s’ils sont encore conscients, de pouvoir prononcer son nom. C’est l’homme le plus aimé de la planète. Et il nous donne le bonheur aussi d’aimer une autre personne, car si nous étions, je le redis, seulement des adeptes d’une doctrine ou d’une philosophie ou d’une idéologie, nous n’aurions aucune raison de nous intéresser à Marie. Ceux qui s’intéressent à tous les “ismes” de l’histoire de la pensée, au platonisme, à l’aristotélisme, au plotinisme, au partisianisme, au spinozisme, au kantisme, à l’hegélianisme n’éprouvent pas un grand besoin de s’intéresser à la maman de ces philosophes, même s’ils ont eu, évidemment, une mère, que nous connaissons parfois un peu. Mais nous n’avons pas une dévotion pour la mère des grands philosophes. Tandis que, dans le cas de Jésus, nous avons toutes les raisons d’aimer Marie. De la vénérer avec l’intelligence et le calme. Tout comme Jésus est l’homme le plus aimé de l’histoire humaine, Marie est la femme la plus aimée. Ni Cléopâtre, ni Marie-Antoinette, ni Marie-Thérèse, ni aucune autre femme ne reçoivent chaque jour l’hommage de millions et de millions de gens qui lui disent comme nous lui avons dit inlassablement au long de cette route: Je vous salue, Marie, pleine de grâces. Nous ne disons cela pour aucune autre femme, même les femmes les plus estimées et les plus prestigieuses de l’histoire humaine ne reçoivent pas cet hommage d’amour unique. Puisque nous sommes à Foy-Notre-Dame, puisque nous célébrons la Messe du Rosaire, que nous sommes dans un sanctuaire spécialement voué à la foi de Marie, et je salue parmi nous la présence du recteur de ce sanctuaire, le Chanoine Jallet, regardons Marie afin de nous laisser inspirer par sa foi. Et l’évangile que nous avons entendu est éloquent à ce sujet. Saint Luc a composé ce récit dans un contraste évident avec celui qui précède et qui est celui de l’annonce faite à Zacharie. Dans l’évangile de l’enfance, de Saint Mathieu, qui a été écrit du point de vue de Saint Joseph, il y a une annonce à Joseph, mais dans l’évangile de Luc, qui a été écrit du point de vue de Marie, il y a deux annonces, une à Zacharie et, en contraste avec celle-ci, l’annonce faite à Marie. Lorsque l’ange Gabriel annonce à Zacharie que, malgré l’âge avancé de son épouse Elisabeth et de lui-même, il va donner naissance à un fils, sa réaction est: comment vais-je savoir que cela va se réaliser? Comment vais-je m’assurer que ta promesse n’est pas une parole en l’air? Il manque de foi. Il voudrait bien vérifier, savoir à l’avance, contrôler. Et parce qu’il manque de foi en la parole de Gabriel, qui est la parole de Dieu, il va se retrouver sans voix, muet, incapable de prononcer une parole, jusqu’à ce que naisse Baptiste, qui est la voix, qui va crier à travers le désert: “Le Royaume de Dieu est proche. Aplanissez les chemins pour sa venue”. Zacharie ne retrouvera la parole qu’à la naissance de celui qui est la voix, qui annonce le Verbe fait chair. Marie, par contre, reçoit du même archange Gabriel une annonce encore plus surprenante. Elle va devoir engendrer non seulement un prophète, mais elle va devoir engendrer le Fils du Très-Haut, qui se fait homme. Sa réaction est étonnement, non pas pour demander une vérification “Comment vais-je savoir?”, mais seulement “Comment cela se fera-t-il, puisque je ne vis pas dans la compagnie d’un homme, puisque je suis vierge”?
Comment cela se fera-t-il : son attitude est de foi, d’accueil. Elle demande seulement comment. Et la réponse est pour elle très probablement tout aussi mystérieuse et plus encore que pour Zacharie: “La puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre, l’Esprit-Saint viendra sur toi, et c’est pourquoi l’enfant que tu mettras au monde sera appelé Fils de Dieu!”
Le “oui” de Marie, son “oui” de foi, a porté un fruit extraordinaire. Alors que Zacharie demeure sans parole, Marie, par sa foi, permet à la parole de Dieu de s’incarner en Jésus. Au Verbe de prendre chair en elle, elle est le premier tabernacle où habite le Très-Haut dans sa proximité avec les hommes. Et comme toujours, sur ce point comme sur tous les autres, Marie est pour nous un miroir de notre vocation. Tous les aspects de la vie de Marie, bien sûr, lui appartiennent en premier et sont à bien des égards un privilège qui lui est propre. En même temps, tous sont un miroir dans lequel nous voyons se refléter la vocation de l’Eglise et la vocation de chacune de nos vies. Comme elle, nous sommes appelés à une foi inconditionnelle. Et l’Eglise est appelée à être fidèle inconditionnellement à la foi qui lui vient de Jésus et des apôtres. Et puisque le oui de Marie a porté un fruit si unique, si admirable, comme on l’a dit dans l’antienne de cette messe: O Marie, celui que le monde ne peut contenir s’est enfermé dans ton sein en se faisant homme. Mais Marie nous avertit aujourd’hui que, chaque fois que dans notre vie, nous prononçons un “oui” authentique à l’appel de Dieu sur nous, cela portera un grand fruit. Je pense au “oui” que les plus jeunes parmi nous, ils sont très nombreux et nous nous en réjouissons, le “oui” que les jeunes vont devoir prononcer. Tout d’abord à l’appel du Seigneur de leur donner leur foi, leur confiance, de miser leur vie sur Lui, mais aussi le “oui” de leur orientation professionnelle. Le “oui” que beaucoup devront prononcer en s’unissant avec une autre personne dans les liens du mariage. Le “oui” de certains à l’appel de la vie consacrée, le “oui” d’autres à l’impulsion de devenir prêtres. Oui, tous et toutes, chers jeunes ici présents, vous avez déjà eu, ou vous avez, ou vous aurez l’occasion de devoir répondre un “oui” à l’image de celui de Marie, à l’appel du Seigneur sur votre vie. Je pense, pour la plupart des adultes ici présents, au “oui” de leur vie conjugale, y compris quand celle-ci a été brisée et que certains se retrouvent dans une grande solitude. Soit par abandon du conjoint, soit aussi, je pense, aux situations des veufs et des veuves. Et je n’oublie pas ceux qui sont un peu seuls dans la vie, parce qu’ils n’ont jamais trouvé une âme soeur, avec qui faire vie commune. Mais dans toutes ces situations, il y a aussi un “oui” à dire et à redire. Et plus ce “oui” sera à l’image de celui de Marie, plus il portera du fruit. Et enfin, je pense à mes frères et soeurs qui sont ici engagés dans la vie consacrée. Je pense à mes frères prêtres: eux aussi trouveront bonheur et joie dans leur vie si, se laissant inspirer par Notre-Dame de Foy, par Marie, mère de notre foi, ils renouvellent chaque jour un “oui” radical, intégral, sans réserves à ce que le Seigneur a bien voulu faire de leurs vies.
Monseigneur Léonard termine par un résumé de ce qu’il a dit plus haut:
In het leven van Maria zien we een “ja”-woord, altijd vruchtbaar is. Het is nooit anders dat we “ja” zeggen, tot een roeping vanwege de Heer. En dit in alle levenstoestanden. We zijn hier vooral leken, maar we zijn ook misschien onder ons mensen die echtgescheiden zijn, weduwen, weduwnaren, mensen die nooit een man of een vrouw hebben gevonden om met hem of met haar te trouwen. Er zijn onder ons Godgewijde mannen of vrouwen, priesters, diakens en zelfs een bischop, en in iedere levenstoestand, in iedere situatie worden wij permanent uitgenodigd om op het woord van de Heer in te gaan met ons “ja” woord. En als we dat “ja” woord uitspreken en vooral voltooien in ons dagelijks werk, dan zullen we veel vruchten dragen. En dit kunnen we hier in Foy-Notre-Dame heel speciaals toevertrouwen aan Maria, die haar “ja” woord op zo’n unieke manier heeft uitgesproken en zo’n grote vrucht heeft gedragen, namelijk Jezus Christus, onze broeder en onze God. kunnen we ons heel speciaal toevertrouwen aan Maria, moeder van ons geloof. In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen.
A l’issue de cette belle messe, les célébrants se réunissent pour la traditionnelle photo de groupe, puis les fidèles saluent l’archevêque et les prêtres présents. Dans les coeurs des jeunes et des moins jeunes brûle dejà une flamme ardente qui les fera revenir l’an prochain!